Le 2 avril 2020, nous avons ajouté deux nouveaux types d'observations dans notre app : les inondations et les phénomènes optiques. A contrario des observations d'inondations qui ont été relativement bien documentées dans le passé, les observations de phénomènes optiques sont assez rares dans la documentation qui nous est parvenue. Celles-ci constituent par contre une source fascinante et intéressante d’informations météorologiques.
Plongeons de nouveau dans un passé lointain duquel nous avons rassemblé des observations de phénomènes optiques, tirés de manuscrits historiques. Cette deuxième partie des observations de phénomènes optiques dans l’histoire, vous est proposée grâce au travail de recherche de note ancien collègue, Dr. Gaston R. Demarée. Les courts fragments sui suivent sont une anthologie limitée de textes anciens concernant les phénomènes optiques (aucune critique historique n'y est spécifiquement appliquée). La façon de s'exprimer et le vocabulaire de l'époque ont été reproduits dans la mesure du possible et les références nécessaires à la recherche des textes complets originaux s'y retrouvent également.
Comment se forme un arc-en-ciel ?
Un arc-en-ciel se forme en présence de pluie et est provoqué par la décomposition et la réverbération de la lumière du soleil par les gouttes d’eau. La lumière blanche du soleil est alors décomposée en ses différents composants ; chacun avec son propre spectre visible. La goutte d’eau agit comme un miroir et comme un prisme.
Observations historiques d'arcs-en-ciel
“La nuit du 24. Janvier 1622, le Ciel parut tout en feu, & fut apperçu à la même heure pendant un temps considerable dans plusieurs endroits de l’Allemagne, & principalement à Strasbourg, à Hyldelberg & à Ulme ; sur les neuf heures du matin, l’on vit trois Soleils traversés par un arc en Ciel.” (Bouille, Tome III, 1732, p. 154)
“L'an mil sept cent cinq, le onze de juin, jour de la Fête-Dieu, à l'heure de midi, à la sortie de la procession, on a vu un grand cercle approchant en couleur de l'arc en ciel tout autour du soleil.” (Dufay, Journaux inédits de Jean Desnoyers & d’Isaac Girard, 1913, p. 31)
“De Ratisbonne, le 17Avril 1773. Le 7 de ce mois, entre huit & neuf heures du soir, on observa ici un phénomene. Il tomboit une pluie légere ; le vent venoit du Sud, & la lune dans son plein étoit couverte de quelques nuages. On vit tout-à- coup, du Midi au Nord, un demi-cercle parfait, dont la couleur étoit fort blanche vers l'Occident, pâle du côté de l'Orient, & entièrement noire dans la partie supérieure vers l’Orient ; on distinguoit un peu de jaune dans le milieu. A huit heures & trois quarts, cet arc-en-ciel s'effaça & reparut deux minutes après ; on n'en distinguoit plus, à neuf heures, que de foibles restes. A côté de ce demi-cercle, vers l'Orient, on envoyoit un sécond d'une couleur sombre & grisâtre qui dura moins que le premier.” (Gazette de France, du Lundi 3 Mai 1773, N° 36, p. 154)
“Résultats des observations météorologiques, faites à Grenoble aux mois d’Août & de Septembre 1782. Le 23 Sept. à 7 h. ½ du soir, la lune était pleine & à son lever, nous avons observé, à l’O. de cette ville, un phénomène très-rare ; c’est un arc-en-ciel de lune, très-distinct, qui a duré plusieurs minutes.” (Gazette d’Agriculture, Commerce, Finances et Arts, Année 1782. Du Mardi 22 Octobre, N° 82, p. 676-677)
“De Lemberg, le 14 Mars 1786. Le 27 du mois dernier, entre 7 & 8 heures du matin, on a aperçu un arc-en-ciel double avec les couleurs les plus vives, & tel qu'il, paroît ordinairement en été après un orage. Ce phénomène rare dans cette saison, a été observé dans plusieurs endroits.” (Gazette de France, Du Mardi 25 Avril 1786, N° 33, p. 137)
“De Londres, le 11 Mai 1784. On mande de Simbister dans le Shettland, les détails suivans d'un phénomène assez extraordinaire. Le 16 Avril vers midi, on aperçut un double cercle autour du soleil ; l'un & l'autre se joignoient au-dessous, & étoient d'un éclat qui fatiguoit les yeux ; le grand cercle sur-tout paroissoit aussi brillant que le soleil. Il s'étoit formé au Sud-Est & au Sud-Ouest partie de deux arcs en ciel, qui s'ils eussent été complets se seroient terminés au Nord-Est & au Nord-Ouest. Dans la partie septentrionale, à environ 60 degrés au-dessus de l'horizon, parut un point lumineux qui bientôt s'étendit & forma trois, cercles rentrans les uns dans les autres ; le premier étoit entier, & se terminoit dans le corps du soleil, passant à travers le double cercle dont on a parlé, & qui étoit autour de cet astre ; il étoit très-lumineux de ce côté ; les deux derniers formoient seulement des parties de cercle, l'un d'environ 90 degrés, & l'autre de 60. S'ils avoient été complets ils auroient pu embrasser l'horizon à l'Orient & à l'Occident ; ils étoient d'un blanc brillant & de la largeur d'un arc-en-ciel. Ce spectacle dura une heure, après quoi tout disparut ; le jour étoit beau, le ciel sans nuages, & le thermomètre à 55 degrés.” (Gazette de France, Du Vendredi 21 Mai 1784, N° 64, p. 169-170)
Aux Siècle des Lumières l’observation, la description, et la classification deviennent les outils de base des scientifiques. En conséquence, les premiers articles scientifiques consacrés aux arcs-en-ciel apparaissent dans les mémoires des Sociétés scientifiques.
On pense que Marcus Antonius de Dominis (1560-1624), dans son livre sur les rayons de lumière publié à Venise en 1611, a été le premier à démontrer qu'un arc-en-ciel est créé par la réfraction de la lumière dans les gouttes de pluie.
Celsius (1785) Sur un Arc-en-ciel extraordinaire vu en Dalécarlie. Collection académique composée …, Tome IX, p. 40-43.
du Séjour (1787) Observations de physique générale. Observation d’un arc-en-ciel causé par la lune le 6 juin 1770 à Chambourcy. Collection académique composée …, Tome XIV. Paris & Liege, p. 153.
“Allemagne. De Vienne, le 25 février 1813. On mande de Lemberg ce qui suit : Dans la nuit du 31 janvier au 1er février, vers quatre heures du soir, le ciel était serein, on vit alors s’élancer pour ainsi dire du disque du soleil un cône de lumière à une hauteur verticale de 10 degrés. Cet astre n’était plus qu’à 6 degrés au-dessus de l’horizon. Parallèlement à l’axe de ce cône il se forma, à égale distance horizontale de 24 degrés 30 minutes, deux arcs en ciel ayant chacun 50 minutes de diamètre, qui s’étendaient de l’horizon vers le, et présentaient les sept couleurs avec beaucoup de vivacité. Le rayon violet des deux arcs-en-ciel était tourné du côté du soleil ; il était, ainsi que les autres couleurs, dans un état de scintillation très-brillant. Ce phénomène dura environ 20 minutes. Le ciel resta serein encore quelque temps après qu’il eut disparu, et le thermomètre descendit à 18 degrés. Alors l’horizon se couvrit tout-à-coup de légers nuages ; le lendemain le ciel fut couvert et il neigea.” (L’Oracle, De Bruxelles, le samedi 13 Mars 1813)
“Comorn, 29 juillet 1809. On a observé ici un arc-en-ciel lunaire ; il formoit un demi-cercle parfait. Il étoit d’une teinte blanchâtre, et ne présentoit rien qui ressemblât aux couleurs de l’iris.” (Journal de l’Empire, … août 1809)
“Je crois devoir dire quelques mots d’un phénomène peu remarqué jusqu’ici, parce que les circonstances qui lui permettent de se montrer avec toute son intensité se présentent assez rarement. On sait qu’à l’automne l’Epideira diadema (Araignée des jardins) couvre la terre de fils très-nombreux ; l’année dernière, par suite de circonstances favorables, l’abondance de ces fils était extraordinaire. Le 4 novembre, à 8 heures du matin, aux environs de Vendôme, après une rosée très-abondante et par un ciel pure, le soleil, haut de 7°30’ au-dessus de l’horizon, dessinait, à la surface des prairies, un arc-en-ciel hyperbolique, presque aussi brillant que l’arc céleste qu’il complète inférieurement. Quoique produit par le même cône, il présente partout à l’œil un aspect fort différent ; l’habitude de juger les objets en vrai grandeur à la surface de la terre, empêche de voir chose qu’une hyperbole : de plus, la largeur de l’arc va en augmentant avec la distance, puisqu’elle soutend toujours le même angle.
Ce phénomène s’est présenté plusieurs jours avec une intensité plus ou moins remarquable.” (Renou, Emilien, Arc-en-ciel vu sur le sol. Comptes rendus des Séances de l’Académie des Sciences, 1847, XXIV, p. 980)